Seulement 65% des femmes cis hétéros atteignent régulièrement l’orgasme lors d’une relation sexuelle, contre 95% des hommes cis hétéros. C’est une étude de 2017 qui relate cet écart de jouissance flagrant. Dans une société où le plaisir masculin est priorisé et placé au centre des rapports hétérosexuels, comment (re)prendre le contrôle sur notre plaisir? La sexologue Anne-Marie Ménard nous partage son savoir et son bagage d’expériences afin de nous outiller à jouir plus et mieux de notre sexualité.
💡 Cet article est un récapitulatif des évènements mensuels "Table Rouge", organisés par Mme L'Ovary.💡
La Table Rouge est un espace de discussion éducatif, sécuritaire et inclusif pour rassembler et aborder des sujets encore souvent tabous. La parole est entièrement laissée aux experts invités, ainsi qu’à la communauté présente. Ces propos sont le reflet d'opinions et en aucun cas, ne doivent être considérés comme des recommandations médicales.
Les termes “femmes” et “hommes” ont été utilisés pour alléger le texte et font référence respectivement aux personnes ayant un vagin et aux personnes ayant un pénis. L’article est basé sur la sexualité des personnes cis ; les expériences des personnes trans et des personnes non-binaires en matière de plaisir sexuel sont malheureusement encore peu étudiées.
Mythe ou réalité ? C’est plus difficile pour les personnes ayant un vagin d’atteindre l’orgasme que les personnes ayant un pénis.
Cette idée est largement répandue, tant que moi-même (ayant un vagin), j’ai fini par y croire et par accepter que mes orgasmes soient moins fréquents que ceux de mes homologues masculins. Mais attachez-vous bien… c’est un MYTHE.
S’il y a 30% plus d’hommes qui ont des orgasmes, ce n’est pas parce que c’est plus compliqué pour les femmes de jouir. Cet écart de jouissance est le miroir du grand manque d’éducation entourant la sexualité des personnes ayant un vagin (le manque d’éducation s’étend dans tout le domaine de la sexualité et pour tout le monde, mais est d’autant plus prononcé lorsqu’il s’agit de plaisir féminin).
Les scripts sexuels qu’on performe dans le domaine hétéro ne sont tout simplement pas adaptés au plaisir féminin. Bon, on s’entend, le script sexuel hétéronormatif par excellence se résume à un repas 3 services :
- L’entrée, soit ce qu’on appelle « les préliminaires » (qu’on skip bien souvent ou auxquels on accorde que très peu de temps);
- Le repas, soit le « rapport sexuel » (ici, on fait référence à la pénétration, qui est placée sur un piédestal dans le lit des partenaires hétéros);
- Le dessert (cuddle time, souvent suite à l'orgasme de l’homme, t’sais).
Ce script est hyper phallocentré et basé sur le plaisir masculin. Il idéalise la pénétration comme étant l’activité centrale, toutes les autres étant considérées comme préliminaires au repas principal et donc à part du rapport sexuel en soi. Pourtant, FUN FACT (pas tant l’fun que ça) : seulement 1 femme sur 5 atteint l’orgasme grâce à la pénétration vaginale. Disons-le autrement : 4 femmes sur 5 n’atteindront pas l’orgasme grâce à la pénétration, malgré toute la glorification qu’on fait de cette pratique! Le clitoris externe est le grand oublié dans cette histoire…
Revenons à l’écart de jouissance. Il n’existe pas uniquement entre les femmes hétéros et les hommes hétéros, mais aussi entre les femmes hétéros et les femmes lesbiennes (65% ont des orgasmes régulièrement lors de rapports sexuels vs 86%). Ce n’est pas parce que les femmes hétéros sont plus compliquées que les femmes lesbiennes! C’est que les scripts sexuels qui sont performés lors des rapports sont vraiment différents.
Être sexuellement épanoui·e, ça veut dire quoi?
Pour se sentir épanoui·e sexuellement, il faut se sentir libre. C’est la base. Et la liberté commence là où le savoir se trouve. On ne dira jamais assez que le savoir, c’est le pouvoir.
Le point de départ, c’est de remettre en question les apprentissages qu’on a cumulés depuis qu’on est jeunes au niveau de notre éducation sexuelle. Ces apprentissages découlent principalement du patriarcat, qui vient teinter notre façon de vivre notre sexualité. Si on est capables de prendre conscience de ça, et de déconstruire les petites boîtes dans lesquelles ce système nous a placé·e·s, on a un immense pas de franchi vers un épanouissement plus grand.
Concrètement :
- Remets en question TOUT ce qu’on t’a dit sur la sexualité, en partant de ton orientation, ton genre, ton identité, jusqu’au script sexuel que tu performes (est-ce que je fais vraiment ce que j’ai profondément envie ou je fais ce qu’on m’a appris?)
- Pose des questions! Quand tu connais toutes les options, tu peux consciemment choisir la bonne avenue pour toi.
- Entoure-toi de ressources. Livres, pages Instagram, podcasts, Table Rouge… Les ressources sont à portée de main pour commencer à aborder ou pour approfondir le sujet.
- Remets en question ce que les gens disent. Certains vont alimenter des mythes et on ne veut pas ça!
En bref, comme Anne-Marie le dit si bien : « L’éducation, c’est la transformation. »
Comment déployer notre pouvoir sexuel?
La sexualité, ça fait partie de notre bien-être au sens large
La sphère intime est beaucoup plus que le simple acte sexuel, elle comporte aussi : les émotions, les relations avec soi-même, les relations avec les autres (autant avec des partenaires sexuels que des partenaires amoureux·euses).
Souvent, lorsqu’une personne a des défis dans sa sphère intime – par exemple de la difficulté à avoir un orgasme ou une baisse de désir sexuel – c'est un signe qu’il se passe quelque chose d’autre ailleurs. On a souvent cloisonné la sexualité dans une catégorie à part, qu’on en oublie parfois qu’elle fait partie d’un tout, interreliée avec les autres sphères de notre vie.
La masturbation aka ton plaisir au bout des doigts!
Si tu sens l’appel de déployer ton pouvoir sexuel, par exemple en sortant des scripts imposés par la société et en explorant de nouveaux horizons, ça se jase avec ton/ta/tes partenaire·s. Pour lui/leur communiquer tes préférences, tu dois tout d’abord les connaître toi-même! Apprendre à apprivoiser notre corps passe souvent par la masturbation.
C’est un peu comme quand tu essaies d’expliquer le chemin à quelqu’un en voiture : si tu n’as jamais pris le chemin, tu vas avoir besoin d’un GPS, tu ne pourras pas lui expliquer aveuglément. C’est la même chose avec ton corps. Comment veux-tu qu’une personne qui n’est pas dans ton corps, qui n’a pas de boule de cristal ni de pouvoirs magiques, sache quoi faire si même toi tu ne le sais pas ? Vous êtes deux à chercher un chemin les yeux fermés!
Malheureusement, on entend beaucoup de choses négatives – et totalement erronées – par rapport à la masturbation, ce qui dissuade plusieurs personnes d’en faire une pratique courante de self care sexuel. « Si ton/ta partenaire se masturbe, c’est parce que tu ne la/le satisfais pas sexuellement » ; « La masturbation rend sourd » (oufff ma tante me disait ça…) ; « Il ne faut pas se masturber trop souvent, ça désensibilise nos organes génitaux » ; etc.
Voici un exercice pour déconstruire les croyances que tu as peut-être intériorisées malgré toi. Demande-toi et prends le temps d’écrire :
- Qu’est-ce qu’on m’a appris sur la masturbation ? Écris tout, que ce soit négatif ou positif. Ensuite, encercle ce que tu veux garder et raye ce dont tu veux te débarrasser (tu peux aussi l’écrire sur des bouts de papier et les déchirer, les brûler, whatever qui te fait sentir bien) ;
- Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’on m’apprenne sur la masturbation ? Et là, tu peux te gâter. C’est ton récit, ton histoire. Ce sont tes croyances. C’est une façon de reprendre ton pouvoir et de te donner la permission.
Tu as ton plaisir au bout des doigts… Profites-en!
(À noter que si tu n’aimes pas la masturbation, ce n’est pas grave, il y a d’autres manières de faire!)
Parler de sexualité, même quand ça va bien, surtout quand ça va bien!
Souvent, on attend que ça aille mal avant d’aborder le sujet de la sexualité dans une relation. Petit conseil : si tu n’en as jamais parlé quand ça allait bien, et que tu attends que ça aille mal avant d’en glisser un mot … Tu te rajoutes des défis inutiles!
Pas de panique si ça fait 5 ans que tu es avec ton/ta partenaire et que vous n’avez jamais parlé de sexe. C’est aujourd’hui que ça se passe! Après tout, tu te mets physiquement à nu avec cette personne-là, tu peux bien te mettre à nu dans la discussion!
C’est quand même weird, quand on y pense, de ne pas parler de sexe avec son/sa partenaire. Vous vous déshabillez, vous vivez une expérience à deux (ou plus) que vous ne vivez pas avec tout le monde, vous vous rhabillez, et vous faites comme si ce n’était pas arrivé?! Pourtant, quand on va au restaurant et qu’on vit une expérience culinaire, on en parle : « C’était bon ma lasagne! », « L’ambiance était l’fun! ». Pourquoi ne ferait-on pas la même chose avec la sexualité ?
Petit tip pour ouvrir la discussion: Écoute les tiktoks de @aulitavecannemarie à côté de ton/ta partenaire avec le son au max 😉
- Le pillow talk est ton meilleur ami
Après chaque ébat, partagez-vous une chose que vous avez aimée et une chose que vous aimeriez améliorer ou essayer au prochain rapport sexuel. Parce que ton prochain rapport, ce n’est pas juste la prochaine fois que vous vous trouverez dans le lit : quand le dernier rapport sexuel se termine, le prochain commence. La sexualité, ce n’est pas juste la génitalité. Et ça peut se préparer.
Exemple : J’ai trouvé ça hot la manière dont tu as enlevé mon chandail. La prochaine fois, j'aimerais ça avoir les yeux bandés quand tu me touches, est-ce que ça te tente d’essayer?
- Miroir miroir, dis-moi quels sont mes fantasmes
Qu’est-ce que je vis dans mes fantasmes, à quoi je pense? Quel genre de porno je regarde et qu’est-ce que j’aime de ce porno (si j’en regarde)? Est-ce que j’amène ça dans mes rapports sexuels? Si la réponse est non, comment proposer à mon/ma partenaire des scénarios qui ressemblent à ceux sur lesquels je fantasme?
C’est possible de préparer nos scénarios de rêve à l’avance! Ce n’est pas parce que ce n’est pas spontané que c’est moins bon, au contraire.
La liste “Oui, non, peut-être” peut être un bel outil pour exprimer tes besoins, tes limites et tes fantasmes.
Intensifier nos orgasmes : la méthode du edging
Tu veux avoir des orgasmes plus puissants ? C’est simple, tu as seulement besoin de tes doigts (ou ceux de ton/ta partenaire) ou de ton jouet préféré! Le edging est la pratique qui consiste à retarder au maximum son orgasme pour accéder à une jouissance next level.
Voici comment ça fonctionne :
Sur une échelle de 1 à 10, l’orgasme se situe à 10. Entre ça, il y a la tension sexuelle, la montée de l’excitation qui t’amène à l’orgasme. Le edging, c’est de faire monter la tension jusqu’à 8-9 et ensuite, tu arrêtes la stimulation pour faire redescendre la tension à 6-7. Tu me vois venir (oufff jeu de mots plate!) : tu remontes, tu redescends, tu remontes, tu redescends pour finalement atteindre l’orgasme. Durant le processus, tu peux changer de technique de masturbation, te caresser ailleurs, etc.
Les avantages ?
- Des orgasmes décuplés. Attention : il se peut que tu te rendes au cosmos!
- Pour les personnes ayant un pénis, c’est une bonne technique pour repousser le moment de l’éjaculation et ainsi avoir des rapports sexuels plus longs (si telle est ton intention).
- Avoir un plus grand contrôle sur ton corps : tu choisis le moment où tu as envie d’atteindre l’orgasme. Tu vas voir, pour plusieurs, c’est super empowering!
Le fameux désir sexuel… comment l’éveiller?
Sois bienveillant·e par rapport à ton désir
Souvent, on a tendance à s’en faire lorsque notre désir diminue et pourtant, c’est tout à fait normal! Le désir est quelque chose qui varie constamment, tout comme l’appétit. Il y a des jours où on a plus faim et d’autres où on a moins faim. Tout simplement.
Plus tu cultives de la colère face à ton manque de désir, ou que tu es dans la résistance, moins tu auras de désir. Fais donc preuve de douceur et de bienveillance envers toi-même ♡
Apprends à reconnaître tes turn on et tes turn off
Petit cours 101 sur le désir. Ce principe complexe fonctionne selon le système de la dualité, c’est-à-dire qu’il fluctue au gré des freins et des accélérateurs (turn off et turn on). Ces mécanismes d'inhibition sexuelle et d’excitation sexuelle fonctionnent 24/7. Et oui, même en ce moment!
Pour être capable d’alimenter son désir, il est essentiel de reconnaître les contextes dans lesquels on se sent turned on et turned off pour avoir un mot à dire. On a toustes des schémas sexuels différents. Pour une personne, un turn off peut être les mauvaises odeurs, la vaisselle qui traîne sur le comptoir ou le chien dans le lit. Pour une autre, ça peut être le stress au travail, la charge mentale des enfants ou la lumière trop allumée.
En bref, apprends à te connaître sans jugement. La sexualité positive, c’est de s’accueillir dans nos différences, nos préférences et nos désirs. C’est de considérer qu’il n’y a pas qu’une seule façon de faire les choses qui soit valide.
On espère que ces petites pépites de savoir vont te permettre de jouir de la vie… et au lit!
Anne-Marie Ménard
Anne-Marie est entrepreneure et diplômée d’un Baccalauréat en sexologie et d’un certificat en études féministes. Elle se donne comme mission de normaliser les discussions entourant le bien-être sexuel de manière inclusive et positive. On retrouve Anne-Marie lors de ses chroniques à la radio les weekends sur FM93, en plus de pouvoir la suivre sur TikTok et Instagram ou encore, l’une de ses plateformes en ligne.
Quelques ressources
- Les plateformes de Anne-Marie : Instagram, Tiktok, site web.
- Kali Yoni (pause artistique lors de la Table Rouge en live) : Instagram
- Faire l'amour de manière divine (livre de Barry Long)
- Petit manifeste de la masturbation féminine (livre de Mélanie Guénette-Robert et Roxane Gaudette Loiseau)
- Le clitoris : la vérité mise à nu (livre de Alexandra Hubin et Caroline Michel)
- Sexe Oral (podcast)
Code promo PLAISIRFEMININ : 10$ rabais sur toute notre boutique en ligne!