Chez les femmes en âge de procréer, 1 sur 10 serait atteinte d'endométriose. Cette statistique commence à dater ; on parlerait même de 2 femmes sur 10 aujourd’hui, et un nombre non comptabilisé d’hommes trans et de personnes non binaires.
Pourquoi cette maladie demeure-t-elle encore méconnue et taboue?
Dans cet article, nous faisons la lumière sur cette condition trop peu abordée, avec l'intention d'offrir des pistes de solutions pour améliorer le bien-être au quotidien des personnes qui en souffrent.
Nous avons eu le privilège de nous entretenir avec Marie-Josée Thibert, fondatrice d’Endométriose Québec et elle-même cohabitant avec la maladie depuis 30 ans, ainsi que Mélanie Roy, yogathérapeute spécialisée en santé hormonale.
💡 Cet article est un récapitulatif des Tables Rouges organisées par Mme L'Ovary. La parole est entièrement laissée aux expert·es invité·es, ainsi qu’à la communauté présente. Ces propos sont le reflet d'opinions et en aucun cas, ne doivent être considérés comme des recommandations médicales.
L’endométriose, c’est quoi?
L’endométriose est une maladie gynécologique chronique inflammatoire. Concrètement, il s’agit de tissu qui ressemble à de l’endomètre qui se retrouve dans le corps mais qui n’a pas affaire là. On se rappelle : l’endomètre est le tissu qui recouvre la paroi interne de l’utérus et qui, en l’absence de fécondation, est évacué chaque mois (bref, les menstruations!).
Ce tissu s’accumule à l’extérieur de l’utérus sur les organes voisins : dans la majorité des cas, sur les ovaires, les trompes de Fallope, la vessie et l’intestin ; dans des cas plus graves, sur les poumons ou le diaphragme ; et dans des cas très rares, il peut se retrouver sur le cerveau et le cœur.
Ces cellules réagissent comme l’endomètre et, avec les fluctuations d’hormones de notre cycle, elles vont saigner. Lorsque ce type de tissu se retrouve hors de l’utérus, il n’a pas d'issue à l’extérieur du corps. Le sang va donc s’accumuler et irriter les organes.
Il est important de se rappeler que l’endométriose n’est pas une maladie hormonale. Bien qu’elle soit hormonodépendante, c’est-à-dire qu’elle fluctue au gré de nos taux d’oestrogène et de progestérone, elle reste une maladie inflammatoire.
On ne sait pas encore exactement quelle est la source de cette maladie. On sait toutefois que les causes seraient liées à un fonctionnement déficitaire du système immunitaire et à la qualité du microbiome intestinal.
Symptômes généraux
L’endométriose est une maladie complexe puisqu’elle n’atteint pas toutes les personnes de la même façon. Certaines personnes n’ont aucun symptôme, d’autres souffrent 24h sur 24.
De manière générale, les symptômes sont :
- Douleurs pendant les menstruations (mais aussi tout au long du cycle)
- Douleurs pendant ou après les relations sexuelles
- Problèmes gastro-intestinaux (allô le fameux endo belly!)
- Problèmes urinaires
- Fatigue chronique, etc.
Une maladie complexe qui se répercute dans toutes les sphères de vie
La souffrance n’est pas seulement physique, mais également psychologique.
L'endométriose a des ramifications dans plusieurs sphères de la vie. Par exemple, les douleurs durant les relations sexuelles peuvent entraîner des écueils dans les relations intimes. De plus, les personnes atteintes d’endométriose doivent parfois s’absenter du travail, ce qui peut causer des problèmes professionnels. Et ainsi de suite, je te laisse imaginer!
Après onze ans d’errance médicale, Marie-Josée Thibert était à fleur de peau (ou plutôt à boutte!) : « J’étais non seulement physiquement épuisée, mais j’étais aussi psychologiquement brûlée. On finit par se dire “je n’ai rien, mais je souffre, donc c’est dans ma tête.” »
Avec les années, le stress augmente et on devient de plus en plus sensible à cette douleur. Ce n’est pas évident de faire la différence entre les conséquences de la maladie et les symptômes. « Je suis anxieuse parce que ça fait 10 ans que j’ai mal au ventre, je n’ai pas mal au ventre parce que je suis anxieuse », nous partageait Marie-Josée, en parlant de sa période de vie pré-diagnostic.
La bonne nouvelle, c’est que la maladie n’évolue pas seulement selon des phases de progression ; il y a aussi des phases de régression. En sachant que l’endométriose est une maladie dynamique, ça donne espoir parce qu’on sait que ce qu’on fait dans le quotidien peut avoir un impact positif.
Pourquoi le délai de diagnostic est si long?
Au Canada, le délai de diagnostic de l’endométriose est d’environ 5 ans. Plusieurs se retrouvent dans une errance médicale durant plusieurs années, en finissant par croire que la douleur est dans leur tête… Si c’est ton cas, on est avec toi, et on te croit ❤️ La douleur est réelle.
Manque d’accès à l’information et à des professionnels spécialisés
L’endométriose est encore une maladie incomprise, méconnue et sous-estimée.
Il y a très peu d’argent investi dans le secteur des maladies spécifiquement féminines (frustrant mais malheureusement pas surprenant), il y a donc peu d’intérêt à faire avancer la recherche. Pourquoi les gynécologues iraient se surspécialiser en endométriose s’il n’y a pas beaucoup d’argent à y faire?
Il y a quelques jours, on apprenait que le premier centre de référence multidisciplinaire au Québec pour l'endométriose ouvre ses portes. Le centre vise à offrir aux patientes souffrant de douleurs et d'infertilité dues à l'endométriose un accès à des services spécialisés et des suivis de soins.
Ça donne espoir! Mais on se rappelle qu’on est en 2023, et qu’il s’agit de la première offre de service uniforme… Il est essentiel que la recherche avance, non seulement pour les personnes atteintes mais aussi pour les professionnel·les de la santé. Beaucoup de praticien·nes n’ont pas de formation adéquate ni de sensibilisation sur l’endométriose et passent donc à côté lorsque vient le temps de poser un diagnostic.
Les personnes atteintes souffrent en silence
Si le délai de diagnostic est encore si long, c’est aussi parce que beaucoup de personnes attendent longtemps avant de consulter. Elles souffrent en silence.
D’une part, l’endométriose touche des sujets tabous qui invisibilisent encore plus la maladie: la sexualité, les menstruations et l’intimité de manière générale.
D’autre part, on vit dans une société où les douleurs menstruelles sont encore normalisées, voire banalisées. « On s’est habituées, nous les femmes, à croire que c’était normal de souffrir de nos menstruations, d’avoir des symptômes prémenstruels qui nous handicapent la vie. Alors que dans un cycle menstruel sain, rien de tout ça n’est normal », déplore Mélanie Roy. On va le dire et le redire : souffrir d’être une femme n’est pas normal.
À toi qui lis ceci, on t’invite à te demander : est-ce que mes douleurs menstruelles se trouvent dans les barèmes d’une nature cyclique saine? Si tes crampes t’empêchent de vivre au quotidien, je t’encourage à aller consulter un·e professionnel·le de la santé. Non, ce n’est pas dans ta tête!
Comme Marie-Josée le dit si bien : « Libérez la parole, parlez avec une personne de confiance, c’est le premier pas vers une reprise de pouvoir. »
Médecine occidentale : traitements et chirurgies
Il n’existe pas encore de traitement qui guérit l’endométriose. Il en existe toutefois qui soulagent les symptômes.
La première étape est de trouver un·e médecin qui s’y connaît, afin d’avoir un suivi tout au long du processus. Endométriose Québec fournit d’ailleurs sur son site web une liste de tous les spécialistes au Québec.
Ensuite, pour ce qui est des traitements à court terme, les anti-inflammatoires et les analgésiques sont souvent utilisés pour soulager la douleur.
Il y a également les traitements hormonaux qui visent à diminuer la prolifération des cellules d’endométriose et les saignements (la pilule, le stérilet hormonal, les injections, etc.). Ce type de traitement n’est pas sans effets secondaires, il est donc essentiel de bien s’informer auprès de d’un·e professionnel·le de la santé.
Une intervention chirurgicale peut parfois permettre d’éliminer les lésions et les tissus cicatriciels liés à l’endométriose. Par exemple, la chirurgie d’excision consiste à extraire les cellules endométriales. Il importe de préciser que ce n’est pas parce qu’on enlève les cellules par chirurgie qu’elles ne reviendront jamais. La prévention va donc main dans la main avec les traitements, pour assurer leur pérennité.
Médecine intégrative : prévenir et cheminer vers le mieux-être
La médecine intégrative voit l’humain comme un tout, dans sa globalité, incluant sa condition physique, émotionnelle, psychologique, sociale et professionnelle.
Voici quelques pistes pour apprendre à bien vivre avec la maladie au quotidien. Les petites choses cumulées font des grands miracles!
Honorer notre nature cyclique
Pour prendre en main notre bien-être en tant que personne vivant dans un corps féminin, la base est de reconnaître notre nature cyclique.
Notre cycle menstruel est composé de 4 saisons intérieures, chacune étant marquée par des variations hormonales. Puisque l’endométriose est une maladie hormonodépendante, elle fluctue au gré de nos hormones et donc, au gré de notre cycle menstruel.
En comprenant les différentes phases de ton cycle, tu seras en mesure de comprendre les moments où tu es plus apte à faire certaines choses. Cela te permettra de vivre en harmonie avec ton cycle au lieu de le subir, et d’organiser ton horaire (le plus possible!) en fonction de ton niveau d’énergie. Par exemple, les phases prémenstruelle et menstruelle sont des moments où, de manière générale, nous ressentons davantage le besoin d’être à l’intérieur de soi et de s’offrir de l’autosoin.
« Vivre en honorant cette nature cyclique et les besoins de nos hormones, ça peut faire une énorme différence. » – Mélanie Roy
☾ Si tu as un cycle irrégulier, tu peux te connecter au cycle de la Lune et observer comment tu te sens durant les deux phases de son cycle (ascendante et descendante).
Gestion du stress et anxiété
Mieux gérer ton stress et ton anxiété signifie diminuer les signaux de douleur. En effet, le stress est l’un des plus grands perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire qu’il altère le fonctionnement de nos hormones.
Bon, LA question : est-ce le stress qui cause les crises d’endométriose, ou c’est l’endométriose qui cause le stress? L'œuf ou la poule?
Les deux énoncés sont vrais. C’est le cercle vicieux de la douleur. Plus on a mal, moins on dort bien, plus on est stressé·e et plus on a mal.
À toi de trouver les méthodes qui te permettront d'apaiser ton stress et ton anxiété. Respiration profonde, yoga, méditation, peinture, course… L’important est de choisir de te choisir.
Alimentation
Ne sous-estime jamais le pouvoir de cette première médecine!
Pour voir des changements profonds au niveau des lésions causées par l’endométriose, il faut entre 6 et 12 mois de modifications de son alimentation. Toutefois, tu verras rapidement une diminution importante des symptômes en mangeant consciemment.
Quelques aliments à privilégier :
- Les aliments anti-inflammatoires, comme le curcuma.
- Des fruits et légumes en abondance : idéalement, acheter le plus possible bio pour éviter d’être exposé·e à des perturbateurs endocriniens (pesticides) qui pourraient créer de l’inflammation.
- Les petits fruits : ils sont d’excellents antioxydants.
- Les choux : ils aident à éliminer les excès d'oestrogènes.
- Le thé vert : un autre merveilleux antioxydant!
- Le chocolat noir : bonne nouvelle! Le chocolat noir 70% est riche en magnésium, un anti-inflammatoire naturel qui a un effet positif sur le système nerveux parasympathique (super pour le calme mental).
- Les fibres et les bons gras.
Quelques aliments à éviter :
- Les sucres raffinés.
- La viande rouge : elle est réputée inflammatoire. On te conseille donc de privilégier une alimentation à base de plantes, avec une petite quantité de volaille et poisson.
Chaque personne est unique et réagit différemment à différents aliments. Tu peux donc faire des tests et substituer un aliment à la fois, pour observer comment ton corps s’adapte.
Pssst! Le facteur plaisir est aussi super important, permets-toi de manger ce qui te procure de la joie! Dernier conseil : on mange avec les yeux d’abord, donc plus il y a de couleurs dans l’assiette, mieux c’est!
Yogathérapie et respiration profonde
La yogathérapie pelvienne peut faire un bien fou pour stabiliser, relaxer, étirer, décongestionner et oxygéner les organes, muscles et ligaments du bassin, permettant ainsi de créer de l’espace et de favoriser une meilleure circulation du souffle, du sang et de l’énergie.
Par exemple, tu peux faire des mouvements circulaires avec ton bassin et des postures d’ouverture, comme t’asseoir sur une chaise les jambes écartées.
La respiration profonde, qui peut se pratiquer seule ou avec des mouvements de yogathérapie, consiste à amener de l’oxygène jusque dans le bas ventre. Elle aide à libérer les charges qui sont coincées au niveau du plancher pelvien et des hanches. Tu vas voir, lorsqu’on connecte avec cette zone du corps, c’est très libérateur et ça peut faire monter des émotions.
Automassage
Bonne nouvelle : tu as deux mains et tu peux t’en servir pour soulager tes douleurs!
Tu peux te masser le bas ventre en mouvement circulaire dans le sens des aiguilles d’une horloge, ce qui aide à détendre les tissus. Si le cœur t’en dit, stimule tes sens avec des choses qui te font du bien, comme des huiles essentielles.
Astuce : Masse-toi avec de l’huile de ricin, qui est extraordinaire pour atténuer les douleurs pelviennes. Tu peux aussi imbiber une débarbouillette d’huile de ricin, l’appliquer sur ton ventre (avec ou sans bouillotte par-dessus) et rester allongé·e le temps qui te semble nécessaire. Inspireeee, expireeee!
Par où commencer? Le journal de bord en tant qu’allié
Maintenant que tu as reçu toutes ces informations, tu te demandes peut-être par où commencer? Pas de panique!
Tu ne peux pas appliquer tous les changements en même temps. On te conseille donc de tenir un journal de bord, pour garder la trace de ce qui t’aide vraiment à aller mieux.
Ton journal de bord t’aidera non seulement à faire des liens entre tes actions et tes symptômes pour ensuite te poser les bonnes questions, mais également à être l’expert·e de ton corps, ce qui te sera très utile quand tu rencontreras des professionnel·les de la santé.
Voici des idées de ce que tu peux y noter à chaque jour :
- Dans quelle phase de ton cycle te trouves-tu?
- As-tu bien dormi?
- Quel est ton niveau d’énergie?
- Quels sont tes symptômes physiques? (douleurs, etc.)
- Comment te sens-tu émotionnellement?
- Qu’as-tu mangé aujourd’hui?
Il y a autant de symptômes d’endométriose que de personnes atteintes. On t’invite à aller à la rencontre de toi-même, avec bienveillance ♡
« Quand on souffre depuis des années, à un moment on se déconnecte de notre corps. Mon corps était devenu mon ennemi. Je ne voulais plus l’habiter, parce qu’il me faisait souffrir », nous confiait Marie-Josée Thibert. Toutefois, il est possible d’aller mieux. Grâce à chaque petite action que tu orchestres dans ta vie. Tranquillement.
Souviens-toi que si tu souffres, tu as le droit d’être accompagné·e, écouté·e, cru·e, entendu·e et outillé·e, quelle que soit ton expérience.
Quelques ressources
- Endométriose Québec
- En savoir plus sur Marie-Josée Thibert : Page Instagram
- En savoir plus sur Mélanie Roy : Site Web et Page Instagram
- Le Yoni Loft - essai de 7 jours gratuits
- Yogathérapie hormonale - défi gratuit 5 jours
- Plateforme gratuite en santé hormonale et menstruelle
- Yonity - collectif solidaire incluant la participation de Mme L’Ovary
- Shopper’s Guide to Pesticides in Produce