Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…
Et si c’était : ils vécurent heureux avec leurs partenaires, et eurent beaucoup d’enfants qu’ils élevèrent avec leur village d’amireux.
Ça sonne bien, non?
Dans une société mononormative, c’est-à-dire qui présente le couple monogame (et hétérosexuel) comme seul modèle valide et acceptable de vivre l’amour, les relations non-monogames sont encore très stigmatisées. Et pourtant, la monogamie n’est pas faite pour tout le monde.
Tu es déjà en couple, mais tu songes à ouvrir vos horizons? Tu as envie d’approfondir certaines connexions avec d’autres personnes? D’explorer sexuellement? De partager de l’intimité avec des ami·e·s? Ou simplement d’avoir la liberté de flirter?
C’est tout à fait normal. Éprouver des désirs envers d’autres personnes que ton/ta partenaire ne fait pas de toi un·e player ou un·e extraterrestre!
Je me suis entretenue avec Rosalie Bonenfant – comédienne, autrice et animatrice au cœur libre et revendicateur – afin d’en apprendre plus sur ses expériences hors des sentiers battus de la monogamie. Voici quelques conseils qu’on aurait aimé avoir back in the days, lorsqu’on a respectivement ouvert nos couples.
La non-monogamie, c’est quoi?
Selon la définition d’AlterHéros, la non-monogamie “est un modèle relationnel basé sur le consensus entre l’ensemble des partenaires où l’on s’autorise une non-exclusivité sexuelle et/ou romantique.”
La notion de consensus est primordiale afin que la non-monogamie soit éthique ; sans un accord commun entre les partenaires, on parle alors d'infidélité. Ce n’est pas ce qu’on recherche!
1. Détermine le genre d’ouverture qui t’intéresse
Polyamour, couple ouvert, trouple… Il y a autant de configurations relationnelles non-monogames que de personnes qui y prennent part. L’important est de co-créer une relation qui te fait sentir bien, en sécurité, aimé·e, compris·e·s et respecté·e.
Est-ce que tu as envie d’explorer avec tan partenaire, ou chacun·e de votre côté?
Es-tu à la recherche de connexions émotionnelles, ou bien est-ce un désir purement sexuel? Ou les deux?
Commence par déterminer le genre de relation qui t’interpelle. Des intentions claires aideront à ouvrir la discussion avec tan partenaire.
Voici quelques exemples de configurations relationnelles.
P.S. Il se peut que tu n’en sois pas certain·e et c’est absolument correct. Il y a aussi de grandes chances que ce que tu recherches évolue avec le temps.
2. Nomme tes limites
Ouvrir son couple est un travail à deux (ou à trois ou à plus!), mais avant tout un travail sur soi. Prends le temps de t’asseoir avec toi-même pour te déterminer tes limites.
Par exemple, il se peut que tu ne sois pas à l’aise à ce que tan partenaire et toi développiez des sentiments amoureux envers d’autres personnes. Dans ce cas, vous prioriserez peut-être les rencontres éphémères. Ou encore, tu te sens insécure avec le fait que vous viviez des one nights avec des inconnus? Dans ce cas, vous choisirez peut-être de vivre des expériences uniquement avec des personnes de confiance qui font déjà partie de vos cercles sociaux.
Bref, connaître tes limites et les nommer te permet de déterminer des paramètres qui protégeront ta zone de confort. Il est important que tu sois aussi à l’écoute des limites de tan partenaire, qui sont peut-être différentes des tiennes. Cette dynamique de respect mutuel is the way to go!
Petit tip : Nos limites fluctuent aussi selon une panoplie de facteurs, comme notre niveau d’anxiété, notre fatigue, certains événements plus difficiles, etc… Il est possible que, malgré les paramètres déjà établis, il y ait une soirée ou tu te sens plus fragile et tu n’as pas envie que tan partenaire aille sur une date. C’est important de le nommer : “Je suis fragile, j'aimerais que tu restes avec moi ce soir.” Ouvrir son couple, ce n’est pas prôner l’ouverture à tout prix ; c’est avant tout respecter le rythme et les limites de chaque personne.
3. Aborde le sujet avec douceur, empathie et transparence
Lorsque tu ouvres la discussion avec tan partenaire, reste sensible à son ressenti.
Si tu perçois une certaine réticence de sa part, il est inutile d’insister. Le but de la discussion n’est pas nécessairement d’arriver à un consensus immédiat, mais bien de semer une graine (qui finira peut-être par germer, ou peut-être pas).
Le préjugé selon lequel la non-monogamie résulte de l’insuffisance de notre partenaire est encore très répandu. Prends le temps de rassurer tan partenaire qu’iel est suffisant·e, et que ton envie d'ouverture ne change en rien ton amour ou désir envers iel. C’est justement parce que tu as confiance en iel que tu as senti l’élan d’initier la discussion.
Réflexion : Pourquoi a-t-on plusieurs ami·e·s pour combler différents besoins, alors qu’on a un·e seul·e partenaire? On est des êtres multiples avec des besoins multiples – autant affectifs, émotionnels que sexuels. S’ouvrir à d’autres partenaires permet d’enlever la pression sur les épaules d’une seule personne de tous les combler.
Quelques petits détails qui font toute la différence :
- Trouve un espace où vous pouvez discuter dans le calme et l’intimité (un party où toustes vos ami·es sont là n’est peut-être pas l’endroit idéal!).
- Choisis aussi un moment où vous avez le temps de jaser sans stress (si tu as un rendez-vous chez le dentiste dans 15 minutes, ce n’est peut-être pas le moment idéal!).
- Assure-toi que tan partenaire a l’espace émotionnel pour avoir cette discussion, qui peut être très vulnérabilisante.
Autre suggestion : tu peux ouvrir le sujet de manière plus large, par exemple en disant “Hey j’ai lu un article sur le blog de Mme L’Ovary au sujet de la non-monogamie, et ça m’a donné envie d’en jaser avec toi. As-tu déjà réfléchi à la possibilité de ne pas être monogame?”
4. N’oublie pas que ta valeur n’est pas diminuée par celle des autres
C’est normal de te sentir challengé·e si tan partenaire a des yeux pour d’autres. On a appris qu’on devait désirer une seule personne et refouler tout le reste!
On a aussi été socialisé·e·s à être en compétition avec les autres humains. “Et s’iel rencontre quelqu’un de plus hot que moi?!”
C’est un bon moment pour déconstruire ce réflexe de compétition, puisque ça va arriver que tan partenaire va rencontrer de belles personnes in and out! La beauté des autres ne diminue en rien ta beauté.
À te répéter autant que nécessaire : “la lumière des autres ne me fait pas d’ombre”.
5. Renforce ton muscle de la compersion
La comper quoi?! La compersion est le bonheur qu’on ressent quand notre partenaire s’épanouit, ici particulièrement dans une relation avec un·e autre partenaire. En bref, c’est l’opposé de la jalousie.
Tout comme tu te réjouis lorsque ton ami·e passe un moment de qualité avec un·e autre ami·e (en conscience que tu ne peux pas lui demander de vivre uniquement des beaux moments avec toi!), il est possible de ressentir un bonheur sincère en sachant que tan partenaire a partagé un moment qui lui a apporté de la joie (et oui, même si son expérience ne t’implique pas ou ne te profite pas directement!).
Tu vas voir, la compersion est un muscle qui se travaille avec le temps et l'introspection!
À noter que ce n’est pas parce qu’on ressent de la compersion qu’on ne peut pas ressentir de la jalousie. Les deux peuvent coexister. Le but n’est pas de vivre dans un monde de licornes et de papillons où la jalousie n’existe pas. L’important est d’apprendre à la nommer, l’accueillir et l’amener à un endroit constructif pour mieux comprendre d’où elle vient.
6. Organise ton horaire (le temps n’est pas infini!)
Ma mère me disait tout le temps que l’amour ne se divise pas, il se multiplie. Ce dicton fait encore plus de sens maintenant que je suis en polyamour!
Mais attention : même si l’amour peut être multiple, le temps lui, est une ressource épuisable.
Prends soin d’établir avec tan partenaire la fréquence à laquelle vous êtes à l’aise de voir d’autres partenaires. C’est important pour éviter qu’une personne se sente moins considérée.
Par exemple, nos paramètres en termes de temps à mon partenaire et moi sont : prioriser notre relation (c’est-à-dire y accorder plus de temps dans notre horaire) et voir d’autres partenaires au maximum une fois par semaine. On s’entend, ce sont des guidelines, on ne calcule pas tout au chronomètre!
Google calendar est votre meilleur ami ;-)
7. Prévois des check points régulièrement
Comme tout dans la vie, tes limites vont changer et il se peut que ton degré d’ouverture fluctue aussi.
Pour garder les pendules à l’heure, prévoyez des moments de mise au point pour vous assurer que vous êtes toujours confortables dans les paramètres établis. Ces derniers peuvent être revisités aussi souvent que nécessaire.
Si vos moments de mise au point sont difficiles à vivre et que vous sentez le besoin d’être accompagné·e·s, la thérapie peut être une précieuse alliée à considérer <3
8. Tu n’es pas obligé·e d’y aller all in!
On s’entend, ce n’est pas une obligation de commencer par un threesome dès demain! On a souvent l’impression que c’est soit la monogamie, soit le polyamour. Mais il y a une infinité de possibilités in between. Des nuances valsant entre affection, intimité et sexualité.
Par exemple, c’est possible de vous laisser la liberté de simplement flirter au début, et voir comment ça vous fait sentir. Ensuite, peut-être allez-vous vous permettre d’embrasser d’autres personnes, sans que l’intimité aille plus loin. Etc. etc. Votre rythme sera le bon.
D’ailleurs, si ton rythme et celui de tan partenaire ne sont pas synchronisés, on vous conseille d’avancer au rythme de la personne la plus lente pour ne pas brusquer les choses.
Finalement, tous les couples gagneraient à questionner leur modèle relationnel, ne serait-ce que pour s’assurer qu’il soit le reflet des besoins, des envies et des limites de chaque personne impliquée. C’est un immense cadeau que de s’offrir cette vulnérabilité.
Bonne discussion et plein de L’Ove!
Quelques ressources
- Suivre Rosalie Bonenfant : page Instagram, page Facebook
- Collectif sur la sexualité: Nuits magiques
- Article : 5 raisons d’essayer la non-monogamie
- Balado : Multiamory : Rethinking Moderns Relationships