Dans une société qui tend à normaliser les douleurs menstruelles, l’endométriose est une maladie silencieuse et encore méconnue. Dans l’optique d’ouvrir le discours et de faire la lumière sur cette maladie, notre équipe a réalisé une entrevue auprès de Marie-Josée Thibert, fondatrice d’Endométriose Québec et elle-même atteinte de l’endométriose. Elle nous a généreusement partagé son expérience, sa vision ainsi que quelques conseils pour soulager les douleurs malgré l’absence de traitement définitif.
1. Qu’est-ce que l’endométriose ?
Si on sort les grands termes médicaux, l’endométriose est une maladie gynécologique chronique inflammatoire. Avec des conséquences dans tout le corps. Pas seulement sur le cycle menstruel. Les causes exactes de l’endométriose ne sont pas encore connues, mais elles seraient, entre autres, génétiques, immunitaires et hormonales. C’est une maladie qui peut être très douloureuse. La majorité des personnes qui en sont atteintes ont des douleurs importantes. Un certain nombre sont, par contre, asymptomatiques (malheureusement, ce n’est pas mon cas!).
Plus précisément, l’endométriose, c’est lorsque du tissu semblable à l’endomètre – le tissu qui tapisse la paroi interne de l’utérus – s’implante pour une raison inconnue à l’extérieur de l’utérus et sur les organes voisins. L’endomètre, c’est ce qui se désagrège et entraîne un saignement lorsqu’il n’y a pas de fécondation : et oui, vous avez deviné, ce sont les menstruations!
Ce tissu, peu importe où il se trouve dans le corps, réagit aux fluctuations hormonales du cycle et saigne chaque mois. Quand ce type de tissu est à l’extérieur de l’utérus, les saignements n’ont aucune issue vers l’extérieur du corps. Donc les cellules endométriales qui se détachent irritent les organes, s’accumulent, créent des kystes, du tissu cicatriciel, des adhérences qui relient les organes entre eux et causent des douleurs… Ouch! Me semble qu’on a déjà assez des menstruations dans l’utérus!
Chaque cas est unique, ce qui ajoute un degré de complexité. On retrouve généralement de l’endométriose sur les ovaires, les trompes de Fallope, les ligaments soutenant l’utérus, la vessie, l’intestin, les reins; et dans les cas plus graves, sur les poumons ou le diaphragme, dans les bras ou les cuisses; et très rarement, au niveau du cœur ou du cerveau. On pense souvent que l’endométriose est liée à des règles douloureuses, et c’est effectivement le cas, mais c’est beaucoup plus que ça. L’endométriose peut endommager les organes internes si elle n’est pas soignée.
L’endométriose n’est pas une maladie mortelle, mais elle a des ramifications dans toutes les sphères de la vie : privée, sociale, professionnelle, intime, psychologique, etc. Je vous laisse imaginer! C’est une maladie qui peut être très douloureuse, et en plus, elle est méconnue, invisible, enveloppée dans les tabous et les mythes, etc. Pourtant, l’endométriose, ce n’est pas rare! C’est 1 à 2 femme(s) sur 10 qui en est atteinte + un nombre non comptabilisé de personnes trans ou non-binaires (personnes nées avec un utérus). On parle de plus d’un million de personnes au Canada.
2. À quoi ressemble une journée dans le quotidien d’une personne souffrant de cette maladie ?
Chaque cas étant unique, c’est donc difficile de décrire une journée dans la vie d’une personne atteinte. Personnellement j’ai traversé toutes sortes de périodes dans les 30 dernières années. Mais je pense qu’on peut dire que ça ressemble souvent à des montagnes russes : réveil difficile, inflammation, douleurs pendant les règles mais aussi à l’extérieur du cycle, douleurs pendant ou après les relations sexuelles, problèmes gastro-intestinaux ou urinaires, douleurs diffuses qui irradient, douleurs soudaines qui coupent le souffle, fatigue chronique, etc.
Et on peut ajouter à cela le stress lié à l’errance médicale que plusieurs personnes vivent, l’incompréhension des proches lorsqu’on annule un événement même si on était en top forme la veille, le jugements des collègues, les défis autour de la fertilité dans le couple, etc. Je crois profondément que plus on va en parler, plus nos quotidiens seront plus doux.
3. Qui est concerné par l’endométriose ?
L’endométriose se déclare avant l’âge de 20 ans dans la moitié des cas. Le registre de l’Endometriosis Association (États-Unis) indique que 38% des personnes présentant une endométriose ont vu leurs symptômes apparaître avant l’âge de 15 ans.
Dans mon cas, les premiers symptômes sont arrivés à l’âge de 14 ans. Mon diagnostic est arrivé onze ans plus tard, à mes 25 ans. Onze années à me demander ce que j’avais… C’est fou quand même!
4. Pourquoi crois-tu que cette maladie est autant méconnue et maintenue dans le silence ?
C’est un ensemble de facteurs. Les douleurs pelviennes quotidiennes peuvent révéler différentes maladies. Pas toujours évident pour les médecins de démystifier les douleurs abdominales, c’est tout un travail de communication entre patient.e et professionnel.le. (Et par communication, je veux aussi dire un travail d’écoute profonde de la part du / de la professionnel.le!)
Aussi, on ne peut passer sous silence que l’endométriose touche, encore aujourd’hui, plusieurs tabous : les règles, la sexualité, l’intimité. Et malheureusement, les douleurs liées aux règles sont encore trop souvent considérées comme normales, aux yeux de certains médecins, mais aussi de personnes qui souffrent de la maladie.
Finalement, il est difficile d’avoir accès à des soins spécialisés. Ce ne sont pas tous les médecins, ni tous les gynécologues qui sont formés pour diagnostiquer l’endométriose. Il faut les trouver. Et évidemment, on est plus avantagé.e.s si on habite une grande ville. C’est la raison pour laquelle EndoAct Canada milite pour la mise en place d’un plan d’action sur l’endométriose. Pour permettre aux personnes atteintes, partout au Canada, d’avoir les bons soins, au bon endroit, au bon moment. Lentement mais sûrement, comme on dit!
5. Existe-t-il des plantes alliées ou des remèdes naturels pour atténuer les douleurs causées par l’endométriose ?
Oh oui il y en a! Je vous réfère ici à deux humaines que j’adore et qui diffusent de merveilleux contenus au sujet des plantes alliées : Mélanie Roy, diplomée en sexologie, naturothérapeute et yogathérapeute hormonale et Sarah-Maria Leblanc, herboriste clinicienne spécialisée en santé des femmes, qui a d’ailleurs écrit un article au sujet des plantes alliées à l’endométriose.
Il existe également une foule de pratiques qu’on peut mettre en place, comme la yogathérapie hormonale, des changements alimentaires, le mouvement adapté selon l’énergie disponible, etc. Ces pratiques permettent de diminuer le niveau de stress et l’inflammation dans le corps et également d’équilibrer les hormones. On peut aussi se tourner vers la médecine alternative : acupuncture, physiothérapie pelvienne, ostéopathie, herboristerie, sexologie, etc.
La clé, c’est d’abord d’apprendre à connaître son corps, par le biais d’un journal de bord par exemple où on note symptômes, intensité, fréquence, emplacement… mais aussi ce qu’on mange, ce qu’on vit, nos émotions, etc. Difficile de savoir de quoi on a besoin quand on ne comprend plus son corps. Le journal, c’est une belle façon d’aller à la rencontre de soi. Et un bel outil lorsqu'on se tourne vers des professionnel.les qui s’y connaissent. Plus iels ont d’infos à notre sujet, plus simple ce sera de mettre en place des actions qui nous permettront d’améliorer notre qualité de vie. On doit apprendre à se connaître si on veut faire les bons choix, si on veut bien communiquer avec l’équipe qui nous entoure et être en mesure de prendre des décisions éclairées.
6. Quels conseils donnerais-tu aux personnes atteintes de l’endométriose ?
- Ne jamais cesser de s’informer.
Il n’existe pas de recette unique pour traiter l’endométriose. Pas encore de traitement définitif. Mais chaque personne a le pouvoir de faire une différence dans sa vie par la mise en place d’actions personnalisées. S’informer, c’est la clé vers la prise de décisions éclairées.
- Bien s’entourer.
Autant dans sa vie personnelle qu’au niveau des professionnel.le.s de la santé qu’on consulte. Ici aussi, ça signifie faire des choix parfois pas faciles, mais tellement bénéfiques pour notre santé globale.
- Se tourner vers la communauté.
S’appuyer sur le contenu d’organismes comme Endométriose Québec pour ouvrir la conversation avec sa famille, ses ami.e.s, son employeur.e. Ouvrir la conversation au sujet de ce qu’on vit, c’est un grand acte de sensibilisation. Et ça libère la personne atteinte. On ne doit surtout pas rester seul.e avec sa souffrance.
- Se placer en priorité.
C’est ce qui a le plus changé ma vie. Mettre en place des micros actions quotidiennes précieuses visant à se faire du bien, c’est puissant à la fin de la journée, de la semaine… de l’année! Accepter son histoire et s’aimer à travers celle-ci est le plus beau cadeau qu’on puisse se faire, j’en suis convaincue.
A propos de l'autrice : Marie-Josée Thibert
Marie-Josée Thibert est conseillère en communication pour le réseau de la santé montréalais depuis 2009. En parallèle, en 2015, elle fonde Endométriose Québec : un portail d’information, un mouvement de sensibilisation et une communauté de soutien pour les personnes atteintes d’endométriose. Marie-Josée est également membre d’Endo-Act Canada, un collectif de patientes, médecins et chercheurs formé en 2020 et visant à sensibiliser le gouvernement fédéral et provincial à la réalité des personnes touchées. Le 2 mars dernier, elle a sorti son premier livre, co-écrit avec la fondatrice de Vivre 100 fibromes : Endométriose et fibrome utérin, de la souffrance à l’action. Marie-Josée est aussi patiente-partenaire pour la programmation de recherche sur l’endométriose du Centre de recherche du CHUL de Québec. Elle souhaite, plus que tout, transformer les choses pour les générations futures et redonner aux personnes atteintes le pouvoir sur leur santé et sur leur vie!